L'art de la parade repose déjà en germe dans Les Vitelloni, appliqué au petit cirque de la vie provinciale
La mise en scène chez Federico Fellini se fait souvent sur le mode de l’accumulation : il s’agit moins de condenser un récit efficacement que de ressasser, d’ajouter des personnages aux personnages, des anecdotes aux anecdotes, des scènes aux scènes, comme si le film pouvait n’avoir jamais de fin. On sait l’influence qu’eut sur Fellini le monde du cirque, découvert dans son enfance et qui exercera sur lui une fascination profonde, au point de constituer la scène primitive de son cinéma. Celui-ci retiendra quelque chose de ses défilés de clowns, d’acrobates, de corps extraordinaires, dont il fera la métaphore de la société italienne de son temps. Avant qu’il n’explose et ne prenne les dimensions d’une fresque avec La dolce vita (1960).
Le défilé : une affaire de travelling qui saisit à la fois les singularités de chacun et les brasse dans l'image du collectif
la scène d’ouverture où le petit groupe nous est présenté. Dans un plan long qui balaie toute la scène d’un concours de beauté, la caméra passe d’un simple serveur affairé au jury attablé, puis, pivotant à la périphérie de l’événement, se déporte vers les jeunes oisifs attablés un peu plus loin. Un mouvement horizontal de droite à gauche se déplace d’un vitellone à l’autre pour s’arrêter un moment sur chacun et en fixer le portrait. Ce « passage en revue » des personnages permet d’en acter la pluralité comme d’en inscrire les types successifs, par effet de comparaison rapide.
Le mariage de Fausto et Sandra
un travelling similaire ouvre la scène et balaie à son tour l’assistance éplorée : une enfilade de grenouilles de bénitier et de bourgeois endimanchés, dont le ridicule est souligné par la légère contre-plongée que leur imprime la caméra. C’est alors toute une société en représentation que brosse le mouvement de caméra,venant à terme buter sur le regard légèrement moqueur d’un Moraldo qui a toujours un rôle d’observateur.