LES VITELLONI ET LA COMÉDIE
Les Vitelloni se présentent :
- comme un film d’auteur se rattachant par plusieurs aspects au courant néoréaliste
- il peut être considéré également sous l’angle de ses liens avec la comédie italienne alors en gestation
- juste avant que ne triomphent, et ce pour plusieurs décennies, les films de Dino Risi, Mario Monicelli, Luigi Comencini, Pietro Germi, plus tard Ettore Scola, qui se verront tantôt loués, tantôt vilipendés sous l’étiquette de « comédie à l’italienne ».
La question du genre. En effet, l’industrie cinématographique est ainsi faite qu’un genre se reconnaît s’il répond à un certain nombre de traits formels et thématiques, ceux-ci étant dessinés tant par le cadre rationalisé de fabrication des films (le système des studios, l’organisation de la production) que par les attentes du public (qui se dirigera plus volontiers vers tel type d’histoires, tel sujet, telle vedette s’illustrant plutôt dans tel ou tel registre).
La comédie, de ce point de vue, se reconnaît généralement par ses liens tant avec la farce qu’avec la comédie de boulevard, ses résurgences du mime comme ses dialogues piquants, ses quiproquos et autres situations provoquant le rire, son rythme, sa fin le plus souvent heureuse, etc.
Une certaine veine du néoréalisme lui-même, taxée par la critique de « néoréalisme rose », sut se mâtiner de comédie dans les réussites d’un Comencini réalisant Pain, amour et fantaisie puis Pain, amour et jalousie (respectivement en 1953 et 1954) avec Vittorio De Sica et Gina Lollobrigida dans les rôles principaux, série achevée par Dino Risi avec Pain, amour, ainsi soit-il en 1955.
De fait, Les Vitelloni comportent plusieurs séquences de comédie des plus réjouissantes :
- le carnaval, qui permet l’entrecroisement de plusieurs narratifs, notamment le marivaudage de Fausto avec la femme de son patron ;
- le travestissement grotesque du personnage d'Alberto
- la virée en voiture, avec Alberto qui insulte les ouvriers avant que la voiture ne tombe en panne et que les travailleurs ne s’en viennent corriger nos antihéros ;
- tout l’épisode du vol de la statue du saint par Fausto et Moraldo.
Les personnages de comédie dans I Vitelloni
- Fausto (interprété par Franco Fabrizi, mais doublé par Nino Manfredi, future grande vedette de la comédie à l’italienne, notamment chez Risi et Scola)
- Alberto, interprété par Sordi, correspond parfaitement au type comique que ne cessera par la suite de mettre en scène la comédie à l’italienne :
- pleutre, méchant, geignard, conformiste
- il offre au public une sorte de miroir déformant, pas particulièrement flatteur, où ce dernier se plaît cependant à voir représenter ses propres tares et ses petites bassesses, de manière légèrement outrée
- tout ce que développera Sordi dans les années suivantes, notamment dans des classiques comme La Grande Guerre (Mario Monicelli, 1959) ou Une vie difficile (Dino Risi, 1961).
- Le génie immanent de l’artiste, au lieu de diriger sa main à la ressemblance du genre, la dirigerait plutôt à sa dissemblance. "Le genre, il est derrière l’artiste ; il n’est pas devant lui"
Rappelons au passage que c’est Fellini qui imposa le comédien contre les avis de la production et des distributeurs, ces derniers se plaignant d’un acteur antipathique qui avait la réputation de nuire au succès de tous les films où on l’engageait (sur les premières affiches du film, ainsi que le raconte Fellini dans Faire un film, le nom du comédien n’était même pas indiqué !)
Federico Fellini, avec Les Vitelloni, lorgne certes du côté de la comédie – et, de fait, la plupart de ses films seront toujours emplis d’humour. Il ne réalise pourtant pas exactement une comédie, parce qu’il y met trop d’autres éléments qui rompent avec cette seule forme, telle que la production et le public en définissent plus ou moins consciemment les contours. L’étude de la dimension « moderne » du film, de ce point de vue, nous aidera à y voir plus clair dans l’inscription de l’œuvre dans les courants et formes de son temps: