Atelier d'écriture
Association Base Arts Millau
Les ateliers et les textes écrits
2024 2025

André Gide : « L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté. »
On me demande souvent ce que l'on fait dans un atelier d'écriture, d'un air perplexe, dubitatif, curieux. Mais qu'est ce qu'un groupe de personnes peut trouver à se réunir pour écrire ? Après tout l'écriture n'est-elle pas d'abord un acte personnel? Oui, bien sûr, mais nos écrits prennent voix dans leur lecture, dans le partage de nos mots.
Alors voilà, nous nous réunissons chaque semaine pour faire naître le plaisir de ce drôle de phénomène de la création à partir de consignes d'écriture qui laissent libre de s'exprimer notre imaginaire par des mots, des phrases, des histoires, des poèmes, des lettres. Nous les lisons à voix haute et les partageons avec bienveillance et sans jugement.
Nous repartons riches de nouvelles résonances sur nous-mêmes, des autres, riches de sensations, d'émotions, de sens à donner à la vie.
Joëlle Compère Dray

La cocote minute


Chacun sera d’accord pour apprécier ses rondeurs bonhommes, ses parois joufflues, parfois d'un gris brillant, parfois orangées autour desquelles se promène le dessin d'une ronde de fleurs et feuilles emmêlées. Saviez-vous que son ancêtre est né des mains d'un savant nommé Denis Papin en 1679, et qu'il la nomma Le Digesteur ! Non, n'est-ce pas ? et vous êtes intrigués comme je le fus.

Elle est la promesse de fumets, de plaisirs gourmets, salés et tendres, de soupes épaisses, de ragoûts raffinés. En acier chromé, chapeauté d'un couvercle, s'étale une tige d'acier de par et d'autre afin d'assurer sa fermeture totale. Ses anses, deux languettes de casquette qui volent au vent se tiennent prêtes pour assurer les entrées et sorties des brûleurs, de la haute voltige, je vous le dis !

Elle est obstinée et brave, elle se tient au-dessus des flammes bleutées qui gigotent au moindre courant d'air mais elle ne les étouffe pas. Elles forment un couple uni et fécond. On l'a installée là à se chauffer le popotin, plutôt rondelet bien qu'aplati. Parfois, on verse quelques gouttes d'huile ou de morceaux de beurre, et elle se complaît à les accueillir, elle frétille. Le plus souvent, on emplit sa panse d'eau et des légumes choisis, et on bloque toute sortie de vapeur sous le couvercle sécurisé. Elle bouillonne alors, grande gastronome qu'elle est, à l'abri des regards dans une pression qui va en augmentant. Mais bon, je ne vous apprend rien, n'est-ce pas ?

Quand elle ne peut plus contenir le futur festin, quand la température sature, la soupape fixée sur sa coiffe, un petit objet incroyable, de forme cylindrique ou conique, se met alors à danser sur lui-même, voyez, une danseuse de boite à musique qui libère, sous la pression, des jets de vapeur qui forment une farandole étourdie de fumée blanche dans un tourniquet de sifflements, un tourbillon de souffles exaltés.

Des mains expertes réduisent alors la poussée du gaz, notre danseuse soupape ralentit posément son cycle enivré jusqu'à s'immobiliser, et là, je vous l'assure, un spectacle unique, le final grandiose, quand le clapet est soulevé, un jet de vapeur se dresse à la verticale, radieux de sa dernière exhibition, il répand les ultimes larmes d'eau dans l'air et le panache des bouquets de parfums dont la future saveur réveille nos papilles.