Atelier d'écriture
Association Base Arts Millau
Les ateliers et les textes écrits
2024 2025

André Gide : « L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté. »
On me demande souvent ce que l'on fait dans un atelier d'écriture, d'un air perplexe, dubitatif, curieux. Mais qu'est ce qu'un groupe de personnes peut trouver à se réunir pour écrire ? Après tout l'écriture n'est-elle pas d'abord un acte personnel? Oui, bien sûr, mais nos écrits prennent voix dans leur lecture, dans le partage de nos mots.
Alors voilà, nous nous réunissons chaque semaine pour faire naître le plaisir de ce drôle de phénomène de la création à partir de consignes d'écriture qui laissent libre de s'exprimer notre imaginaire par des mots, des phrases, des histoires, des poèmes, des lettres. Nous les lisons à voix haute et les partageons avec bienveillance et sans jugement.
Nous repartons riches de nouvelles résonances sur nous-mêmes, des autres, riches de sensations, d'émotions, de sens à donner à la vie.
Joëlle Compère Dray

Éléments de départ :
Personnage : Une ballerine d'Opéra
Action ou non action : Se retrouve dans les lustres
Cause : Un tsunami

Cartes tirées :
Chrysalide – Désert – Ruines – racines – Vaisseau – Anneaux

Chrysalides

Elle se retrouve dans les lustres, heureusement qu'elle a l'agilité d'une ballerine de l'Opéra qui sait retomber ou s'accrocher avec grâce. Un vrai tsunami cette machine à souffler de l'air. C'était un livret curieux celui qu'elle dansait, méconnu car difficile à monter. Voyez une chrysalide dorée géante suspendue à une branche qui traverse le haut de la scène, les vagues de l'océan en bruit de fond, les cormorans, les mouettes rieuses, une tempête qui s'annonce par le vent sableux du sud qui balaie le décor. La chrysalide se balance, tangue et tombe, s'ouvre comme les pétales d'une fleur et découvre un petit corps endormi roulé comme un chat. Puis, le silence. Le noir. Le noir absolu. Quelques secondes. D'un coup, les projecteurs éclairent un désert roux de crépuscule, les dunes s'étalent les unes dans les autres. Une jeune fille tout de blanc, sort de la chrysalide.
Elle se redresse lentement pour s’asseoir en tailleur. Elle a de courts cheveux vert pomme. Elle observe le lieu. Au dessus un ciel étoilé sans fin. Elle dirige son regard sur son cocon de vie qu'elle étreint une dernière fois, il se transforme aussitôt en de mornes ruines faites de colonnes grecques. Elle se lève maintenant, et aussi jeune fusse t-elle, elle veut se défaire de ces racines antiques, ne pas rester attachée comme l'arbre à un seul lieu. Commence alors son premier pas de deux, lumineux. Elle sautille telle une abeille qui butine de cœur en cœur sur une musique qui ressemble à la joie de Mozart. Pas de chat et dans un dégagé accueillant, elle glisse au devant de la scène et sonde le lieu par un mouvement circulaire qui fait sonner les bruits des manèges de nos enfances, klaxons, cris, rires, voix dilatées qui s’extirpent difficilement des hauts parleurs, l'urgence de saisir le pompon, de croquer dans une pomme d'amour, de se coller les doigts dans les fils de la barbe à papa, immersion intégrale et subito le son d'autrefois se suspend dans un temps inachevé. Cabriole enfantine, elle se penche fragilement pour cueillir une fleur des sables et apparaît coquettement le vaisseau céleste des anneaux de la lune et de l'obscurité et celui du soleil et de la luminosité enroulé dans un cercle à l'infini. Elle marque une courte pause gracieuse. Elle doute. Doit-elle s'élancer dans une sublime arabesque et se libérer de la terre pesante ?
Cymbales.Tambours. Trompettes. Grosse caisse. Triangle. Castagnettes. Flamme magique, un chapeau de magicien, rond de jambe, elle tourne sur une jambe comme la danseuse de la boite à musique, tourne et tourne et tourne, couronne de lumière blanche, halo de sa silhouette frêle et ses cheveux vert pomme comme une vague étirée. Noir. Silence. Bruit d'un ressort qui se dilate, claquement sec de fermeture de la tabatière en corme et argent.
Écrivons un court récit et jouons le hasard



Chaque participant demande ses matériaux à trois personnes différentes. Il demande :
A la personne A un personnage : « Un homme d'une soixante d'années »
A la personne B une action ou une non-action : « Ne pas sortir de chez soi »
A la personne C une cause : « La pluie »

Comme la pluie tombait, l'homme décida finalement de ne pas sortir.

Chaque participant choisit une carte de tarot au hasard. Exemple de premier tirage : le diable.

C'était la plus simple des solutions mais aussi la plus périlleuse, et même la plus sulfureuse. Rester chez soi, c'était rester à le merci de ses vieux démons, immergé dans le bain poisseux de cette solitude complaisante. Il essaya un peu de lutter, puis lâchement, alluma la télé.

Puis une deuxième carte, puis une troisième …


Merci à Evelyne Plantier pour cette inspiration.