Atelier d'écriture
Association Base Arts Millau
Les ateliers et les textes écrits
2024 2025

André Gide : « L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté. »
On me demande souvent ce que l'on fait dans un atelier d'écriture, d'un air perplexe, dubitatif, curieux. Mais qu'est ce qu'un groupe de personnes peut trouver à se réunir pour écrire ? Après tout l'écriture n'est-elle pas d'abord un acte personnel? Oui, bien sûr, mais nos écrits prennent voix dans leur lecture, dans le partage de nos mots.
Alors voilà, nous nous réunissons chaque semaine pour faire naître le plaisir de ce drôle de phénomène de la création à partir de consignes d'écriture qui laissent libre de s'exprimer notre imaginaire par des mots, des phrases, des histoires, des poèmes, des lettres. Nous les lisons à voix haute et les partageons avec bienveillance et sans jugement.
Nous repartons riches de nouvelles résonances sur nous-mêmes, des autres, riches de sensations, d'émotions, de sens à donner à la vie.
Joëlle Compère Dray

Transformer un haïku en un texte descriptif

C'est l'heure de la sieste lorsqu'il fait déjà trop chaud et que le seul mouvement qui vaille et celui de s'allonger lentement sur un lit, un canapé, un hamac, se bercer à la brise de l'évantail, sentir son souffle doux sur ses joues, au loin, les entêtants criquets, une poule qui caquette, la chaleur moite dans les vêtements, les paupières se ferment, songes, rêver, et l’évantail qui s'envole ...



Sieste
La main cesse
De mouvoir l'évantail
Taigi
Contrainte : miroir



Enfermée


Elle se demande : « qui a inventé le miroir ? ». Quel est le premier humain à s'être découvert dans un reflet de soi ? Dans l'eau bien sûr, où sans doute, des ondes mutines balayaient les traits du visage de la personne, éblouie, saisie. Il y a toujours une première fois. Apparaître. Disparaître. Cherchaient-ils seulement leur image ? Est-ce que l'on est parce que l'on se voit ?


Elle se dit : qui a inventé le selfie ? ». La frénésie de se mater. Notre existence dans une image numérisée. Un jour nous sommes tombés dans des fichiers de nos téléphones portables et sommes devenus une série de pixels transformés à l'envie.

Elle ouvre les yeux. Elle est allongée dans une sorte de brancard de la première guerre mondiale. Ils et elle sont posés à même le sol, un sol gris qui ne se détache pas de la pénombre. Elle se demande; « Suis-je de l’autre côté ? ». Aucun signe. Pas de souffle. Il ne fait ni chaud, ni froid, ni tiède. Il fait, c'est tout. Ouate.


Elle se dit : « J'ai disparu. Suis-je encore réelle ? M'a t-on amenée ici ? M'a t-on glissée dans une carte ?

Elle ouvre les yeux. Des hommes et des femmes s'agitent maintenant. Elle ne pressent que leurs mouvements, elle distingue un halo flou, blanchâtre, une traînée d'un geste passé fixé sur une photographie, une peinture. Elle cherche. La reproduction des premiers chevaux galopant sur les parois d'une grotte. Des mains imprimées sur la roche. Elle se fond dans l'ocre des échos des tracés. Le trouble. Rester là et fermer les yeux.


Elle se demande : « où suis-je ». J'ai cru me voir dans le reflet d'un sillon turbulent de l'eau du ruisseau. J'ai cru m'envoler dans le courant. Mon corps a disparu. Que cherchaient les premiers hommes dans les reflets des étangs ? Où sont les humains des reproductions d'humains attrapés dans un boîtier ?


Est-ce l'on est parce-que l'on se voit ?




Joëlle


Contrainte Miroir


Contrainte Sonnet
Uniforme - peloton - s'endorme - plomb
forme- long - chloroforme - jalon
Aide - Archimède - addition
Procède - raide - attention !


Courants d'air printaniers


Vois ces courants d'air sans cravates ni uniforme

Ils dévident et entortillent de fins pelotons

de laines fragiles qui s'agitent et s'endorment

roulées en de frêles coquilles et bannient le plomb.


Entend, là, les pas de la bleue licorne qui forme,

d'enfantines foulées battre nos songes de longs

et doux présages, ondines rebelles sans chloroforme

muses floréales, qui fredonnent l'original jalon.


Les vents folâtres à peine nés s'élèvent sans aide

Une sonate mathématique vibre, Archimède

réveille des croches chromatiques sans addition.


La lueur naissante des jours s'allongent, procède

et lave au hasard les sources des terres raides

les teint de verdure dans une goulue attention !


Joëlle


Contrainte Sonnet