Enfermée
Elle se demande : « qui a inventé le miroir ? ». Quel est le premier humain à s'être découvert dans un reflet de soi ? Dans l'eau bien sûr, où sans doute, des ondes mutines balayaient les traits du visage de la personne, éblouie, saisie. Il y a toujours une première fois. Apparaître. Disparaître. Cherchaient-ils seulement leur image ? Est-ce que l'on est parce que l'on se voit ?
Elle se dit : qui a inventé le selfie ? ». La frénésie de se mater. Notre existence dans une image numérisée. Un jour nous sommes tombés dans des fichiers de nos téléphones portables et sommes devenus une série de pixels transformés à l'envie.
Elle ouvre les yeux. Elle est allongée dans une sorte de brancard de la première guerre mondiale. Ils et elle sont posés à même le sol, un sol gris qui ne se détache pas de la pénombre. Elle se demande; « Suis-je de l’autre côté ? ». Aucun signe. Pas de souffle. Il ne fait ni chaud, ni froid, ni tiède. Il fait, c'est tout. Ouate.
Elle se dit : « J'ai disparu. Suis-je encore réelle ? M'a t-on amenée ici ? M'a t-on glissée dans une carte ?
Elle ouvre les yeux. Des hommes et des femmes s'agitent maintenant. Elle ne pressent que leurs mouvements, elle distingue un halo flou, blanchâtre, une traînée d'un geste passé fixé sur une photographie, une peinture. Elle cherche. La reproduction des premiers chevaux galopant sur les parois d'une grotte. Des mains imprimées sur la roche. Elle se fond dans l'ocre des échos des tracés. Le trouble. Rester là et fermer les yeux.
Elle se demande : « où suis-je ». J'ai cru me voir dans le reflet d'un sillon turbulent de l'eau du ruisseau. J'ai cru m'envoler dans le courant. Mon corps a disparu. Que cherchaient les premiers hommes dans les reflets des étangs ? Où sont les humains des reproductions d'humains attrapés dans un boîtier ?
Est-ce l'on est parce-que l'on se voit ?
Joëlle
Contrainte Miroir
Courants d'air printaniers
Vois ces courants d'air sans cravates ni uniforme
Ils dévident et entortillent de fins pelotons
de laines fragiles qui s'agitent et s'endorment
roulées en de frêles coquilles et bannient le plomb.
Entend, là, les pas de la bleue licorne qui forme,
d'enfantines foulées battre nos songes de longs
et doux présages, ondines rebelles sans chloroforme
muses floréales, qui fredonnent l'original jalon.
Les vents folâtres à peine nés s'élèvent sans aide
Une sonate mathématique vibre, Archimède
réveille des croches chromatiques sans addition.
La lueur naissante des jours s'allongent, procède
et lave au hasard les sources des terres raides
les teint de verdure dans une goulue attention !
Joëlle
Contrainte Sonnet