Atelier d'écriture
Association Base Arts Millau
Les ateliers et les textes écrits
2024 2025

André Gide : « L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté. »
On me demande souvent ce que l'on fait dans un atelier d'écriture, d'un air perplexe, dubitatif, curieux. Mais qu'est ce qu'un groupe de personnes peut trouver à se réunir pour écrire ? Après tout l'écriture n'est-elle pas d'abord un acte personnel? Oui, bien sûr, mais nos écrits prennent voix dans leur lecture, dans le partage de nos mots.
Alors voilà, nous nous réunissons chaque semaine pour faire naître le plaisir de ce drôle de phénomène de la création à partir de consignes d'écriture qui laissent libre de s'exprimer notre imaginaire par des mots, des phrases, des histoires, des poèmes, des lettres. Nous les lisons à voix haute et les partageons avec bienveillance et sans jugement.
Nous repartons riches de nouvelles résonances sur nous-mêmes, des autres, riches de sensations, d'émotions, de sens à donner à la vie.
Joëlle Compère Dray

Rencontre enneigée


Lui, Marcel l'anglican, un géant emmanché d'un petit cou, vous savez ce type de personne, disons, contrastée, il pourrait venir de la fête foraine de la Place de la Victoire, on ne le remarquerait point sauf peut-être à son allure rock and roll, blouson en cuir noir, jean en cuir noir et coiffure à la Presley, une sorte de déhanchement dans sa manière de marcher qui fait trembloter son petit cou sur son corps de géant, en rythme toujours, au rythme de son idole, dont il portait toujours sous la veste, près de son cœur battant, le dernier 45 tours encore existant, le dernier enregistrement formant la preuve de sa présence, de cette grecque aux lunettes noires, à la voix de déesse, « le tournesol, le tournesol n'a pas besoin d’une boussole ni d'arc-en ciel ni d'arc-en ciel pour se tourner vers le soleil », il marchait d'un bon pas, vers la belle demoiselle qui dormait tout le long du jour, il n'avait que l'été pour se révéler ou bien attendre l'autre année, mais peu importait, il se savait aimé quelque part au détour d'un pré, qui sait, et de l'autre côté du Sanatorium des Places d'où elle venait de passer quelques mois, Maria de Girasol, claudiquant d'une jambe avec une élégance calculée, ensemble tailleur jaune soleil, boutons tout rond noirs profonds, bord des manches brodés d'un délicat liserée vert comme l'herbe tendre des prés, marchait avec précaution, dans son sac une boule à neige qui ne serait révélée qu'à la rencontre d'un anglican qui était passé du côté de Caen et dont un oiseau qui parlait français avait prédit le rendez-vous, elle aimait croire aux fables des amours fous, et c'est pourquoi elle n'avait nul besoin de boussole ni d'arc-en ciel, car puisqu'elle portait le nom d'une fleur même en espagnol elle savait qu'elle la couvrait de sa corolle et que le soleil un jour lui ferait cadeau d'une merveille et c'est alors que dans le passage couvert de la rue Droite, Marcel l'anglican, le géant emmanché d'un petit cou tomba nez à nez sur Maria Girasol qui claudiquait d'une jambe avec une élégance calculée et le 45 tours de Nana Mouskouri tambourina si fort le cœur de Marcel et la boule à neige martela si fort le sac de Maria Girasol, que le soleil fit la merveille d'une douce mousson qui les enveloppa dans la chanson du tournesol tourné vers la douce neige faite de flocons charmés pour l'éternité.


Joëlle

Georges Perec - Entretien (La vie mode d'emploi)
avec Jacques Roubaud
38:20
Entretien INA 2:38
Original link
La vie mode d'emploi
Georges Pérec

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Rencontre Combinatoire