Autour de High school
de Frederick Wiseman

Documents d'études pour la spécialité cinéma
du lycée Jean Vigo Millau. Joëlle compère
Questionnements
  • Un cinéaste au travail "Mes films, des reality fictions". /"Mes films sont plus romanesques que journalistiques. Ils amènent le spectateur dans l'évènement. Il est au centre de chaque séquence et donc au centre du film, au milieu des gens qui se parlent entre eux. Si tout marche bien, le spectateur a assez d’informations pour comprendre ce qu'il se passe et il n'y a pas de barrière entre le spectateur et le sujet du film".
  • Réception et public. A propos de l'interdiction de projection dans la ville de Philadelphie, Wiseman remarque "C'est un cas typique: ils aiment, d'abord, et ne protestent que lorsqu'on parle mal d'eux dans la presse."
Exemple 1
Ainsi, l’énonciation très traditionnelle, d’une voix mono-corde, du poème Casey at the Bat, en cours d’anglais devant des élèves dépourvus du texte, est à l’opposé de l’étude de la chanson The Dangling Conversation (1966), de Simon & Garfunkel, dont les paroles sont d’abord distribuées, avant d’être lues, puis écoutées sur bande magnétique. « Rock with Shakespeare » peut-on lire sur un mur de la classe. Une expression qui semble traduire cette approche novatrice utilisant des outils modernes et se référant à des œuvres récentes.

Exemple 2

Certains enseignants cherchent davantage que d’autres à faire participer leurs élèves. Ainsi, lors de la leçon consacrée à Martin Luther King et à la lutte contre la ségrégation, on assiste à un vote à main levée pour déterminer le nombre d’élèves qui accepterait d’appartenir à un club comprenant une minorité, une majorité ou un nombre égal de membres noirs. « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse », souligne le professeur. On voyait ce dernier, au début du film, lire la phrase du jour de Joyce et on le reverra, à l’heure du repas, reprocher à l’un de ses collègues sa morale protestante.
Exemple 3
Mais la séquence qui surprend le plus par sa liberté de ton est celle qui se déroule dans « le club de discussion des relations humaines ». La parole y est donnée librement aux élèves, qui tiennent des propos acerbes vis-à-vis de l’établissement. Ces réunions à l’intérieur du lycée avaient lieu en présence d’une enseignante et en-dehors des heures de cours.
Exemple 4

Pour connaître la philosophie de Northeast High School, sans doute faut-il nous référer aux maximes, pensées et citations qui figurent dans le film.

Ainsi, une phrase de l’Ecclésiaste est reproduite sur le pupitre de la scène de l’amphithéâtre où sont donnés les cours d’éducation sexuelle et où aura lieu la parade militaire et la lecture de la lettre de Bob Walters au terme du film : « Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le. » Cette citation entre en résonance avec celle de Joyce, citée au début : « La vie est cause et effet. On crée son lendemain à tout instant par nos raisons, nos pensées et nos actes d’aujourd’hui. »

On trouve dans le couloir une citation de Thomas Dewar : « Les esprits sont comme des parachutes. Ils ne fonctionnent que lorsqu’ils sont ouverts. » L’auteur, distillateur de whisky, ayant vécu entre la fin du xix e siècle et le début du xx e siècle, fut un entrepreneur averti, à l’origine d’une marque familiale devenue mondialement célèbre.

Une autre maxime est lue par la professeure d’anglais : « Le dictionnaire est le seul endroit où “succès” vient avant “travail”. »

Si ces pensées proviennent de sources variées, on remarque cependant une identique morale de l’action et de la responsabilité renvoyant au protestantisme. En ce sens, les valeurs qui sont transmises à Northeast High School apparaissent à la fois libérales et conservatrices, encourageant l’action, tout en défendant la tradition que représentent la patrie et la famille.
Comme dans de nombreux lycées d’enseignement général, on trouve à Northeast High School des cours de langues, de chant et de sport, auxquels s’ajoutent des matières inattendues comme des cours de cuisine, d’éducation sexuelle * , d’organisation de la famille mais aussi de dactylographie. Le film nous fait entrer, pour chaque séquence, au sein de la classe in medias res, sans nous donner l’intitulé du cours. À travers l’enchaînement des scènes, le cinéaste souligne la diversité des matières proposées, pointant souvent des éléments qui peuvent annoncer un autre cours.
La mention de Jean-Paul Sartre et de l’existentialisme en classe d’espagnol ne devance-t-elle pas le cours de français qui, en parlant de petit déjeuner, semble ouvrir sur le cours de cuisine ? De même, la lecture du poème Casey at the Bat (1888), d’Ernest Thayer, qui s’intéresse à un joueur de base-ball, est immédiatement suivie de la frappe d’une jeune fille qui s’entraîne à ce sport en cours de gymnastique. Cette apparente continuité d’un cours à l’autre n’en souligne pas moins des différences dans les méthodes pédagogiques.

*Note L’éducation sexuelle ne sera inscrite au programme de l’enseignement secondaire en France qu’en 1973 après l’avoir été en Suède en 1955, en Allemagne en 1968, et au Danemark et en Finlande en 1970.