"Mes films sont plus romanesques que journalistiques. Ils amènent le spectateur dans l'évènement. Il est au centre de chaque séquence et donc au centre du film, au milieu des gens qui se parlent entre eux. Si tout marche bien, le spectateur a assez d’informations pour comprendre ce qu'il se passe et il n'y a pas de barrière entre le spectateur et le sujet du film". Extrait de
Tracks Questionnement
Un spectateur émancipé ? Jacques Rancière
Le "cinéma direct" de Wiseman est en rupture avec le "mode exposé" (selon l'expression de l'universitaire Bill Nichols) du documentaire, typique aujourd’hui encore des reportages télévisés qui imposent avec une objectivité illusoire, "leur message" au public.
Mais en renonçant à la voix off, le cinéma direct se distingue aussi de certaines formes militantes, tels, ciné-tract ou ses équivalents contemporains sur les réseaux sociaux, qui proposent sous forme orale ou écrite des slogans, des idées, des actions, dans l’espoir de faire changer la société.
Cela signifie t-il qu'un cinéma où l'auteur ne prend pas la parole a renoncé au désir de transformer les consciences ?
Répondre à cette question nous invite à distinguer deux manières dont l'art documentaire peut se faire politique.
Il peut être politique par le contenu idéologique qu'il veut faire assimiler à un spectateur, qu'il s'agit d'éduquer par la transmission d'un message déterminé.
Mais selon le philosophe Jacques Rancière, l'art se fait encore plus politique car démocratique s'il s'adresse à un "spectateur émancipé", c'est- à dire une personne considérée comme étant capable autant que l'auteur d'interpréter une réalité complexe et ambigüe.
Wiseman ne cherche pas à nous imposer une manière de penser mais nous invite à nous interroger sur le monde social et à prendre part à un débat sur ses possibles transformations.
Qu'en pensez-vous ?