Le secret derrière la porte (1947)
Fritz Lang
Sélection de documents pour l'étude du film - Lycée Jean Vigo - Millau
Questionnements
Transferts et circulations culturels

Les formes, les références et les motifs issus de la culture européenne du cinéaste se confrontent aux codes du film de genre hollywoodien dans un jeu intertextuel virtuose : entre « naturalisation » et « hybridation », Lang s'approprie autant ce qui vient de sa culture d'origine que celle de son pays d'adoption, en créant une œuvre totalement singulière, relevant d'un « gothique » romantique et vénéneux.

De manière sous-jacente, le cinéaste allemand y joue une confrontation secrète avec l'autre grand cinéaste émigré aux États-Unis, Alfred Hitchcock : entre hommage, concurrence et dialogue meta, Secret beyond the door répond aux célèbres pièges narratifs et cinématographiques hitchcockiens sur les abymes du subconscient, voire les devance. Lang n'en poursuit pas moins l'exploration profonde de ses propres obsessions morales et esthétiques, en convoquant toute sa filmographie antérieure : depuis Mabuse ou M, l'enjeu des images et des formes langiennes reste l'épreuve du Regard, entre sidération, fascination libératrice ou jugement mortifère.

Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, plans au sol, documentaires, interviews de Lang, dans Le Dinosaure et le bébé, notamment), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication maniaque et géniale d'un chef-d'œuvre. Entrer dans la carrière de Lang, c'est éprouver et analyser pas à pas la valeur des différents choix opérés par l'auteur pour affirmer son point de vue et assurer la cohérence de la direction artistique. Se pose en particulier la question de la maîtrise d'ouvrage d'un cinéaste exilé au sein de la machine à rêve hollywoodienne : il ne suffit certes pas à dire que Lang l'exerçait de manière tyrannique pour s'en débarrasser. Comment garder le contrôle ? C'est un enjeu que toute la carrière américaine de Lang s'attache à poser, à travers ses succès, ses ratés et ses stratégies.

Hantise de G.Cukor (1944)


La Féline
Irena Dubrovna, une styliste serbe, est persuadée d'être la descendante d'un clan de personnes pouvant prendre l'apparence d'une panthère. Malgré ses dires, l'ingénieur naval, Oliver Reed l'épouse mais Irena refuse de consommer le mariage de peur que
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La Chute de la maison Usher (1928) Jean Epstein
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Rebecca Vostfr Alfred Hitchcock Laurence Olivier, Joan Fontaine, G Sanders
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La Maison du Docteur Edwardes de 1945 (VF) film complet
Extraits notables :

11:10 / 12:06 Sorte d'illusion
12:50 / La culpabilité
13:01 lumières et ombres escaliers
53:02 / 54:25 Amnésie et souvenirs
01:04:05 mousse à raser Tentative de meurtre
01:19:02 Le rêve Dali
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Notorious (1946) - (Drama, Film-Noir, Romance) [Alfred Hitchcock, Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains]
Not Rated | 1h 42min | Drama, Film-Noir, Romance | 6 September 1946 (USA) A woman is asked to spy on a group of Nazi friends in South America. How far will she have to go to ingratiate herself with them? Director: Alfred Hitchcock Writer: Ben Hecht Stars: Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains

Lien séquence clé
01:00:58 Key
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From Hitchcock's Suspicion (1941)
La fameuse scène du verre de lait dans "Soupçons" http://www.imdb.fr/title/tt0034248/

Remarquez ici encore la stature physique imposante du mari que l'on retrouve dans L'aurore de Murnau

11:20 à 18:25 le désir et préparatif pour le meurtre de la femmes
25:04 Tentative de meurtre

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Mulholland Drive par Johanna Vaude - Blow Up - ARTE
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Pulsions Bande-annonce VO
Regardez la bande annonce du film Pulsions (Pulsions Bande-annonce VO). Pulsions, un film de Brian De Palma
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Les Frissons de l'angoisse (Dario Argento) - bande-annonce Reprise 2018 [Deep Red is back !]
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Filiation Héroïnes gothiques

Un héritage littéraire dont son héroïne porte singulièrement la marque. Il s'agit du roman gothique, genre né en Angleterre dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il se définit à travers quelques figures et schémas narratifs types dérivés du conte.
Le décor, bien souvent un château ou une grande demeure, s'impose comme un personnage à part entière ; son architecture inquiétante, menaçante, occupe une place centrale dans le récit. Elle est propice à la dissimulation de secret, de démons liés au passé et se présente comme une prison et un lieu de sévices possible pour la jeune fille qui y pénètre.
La dimension sexuelle est déjà là, source inévitable d'interprétations psychanalytiques. Parmi les exemples les plus illustres du genre, on compte
  • Le Château d'Otrante d'Horace Walpole (1764),
  • Les Mystères d'Udolpho d'Ann Radcliffe (1794)
  • Le Moine de Lewis (1796).
De ces romans noirs ont découlé plusieurs tendances cinématographiques : du cinéma d'horreur plus ou moins terrifiant (les films de la Hammer), qu'un Tim Burton orientera vers des spectateurs plus jeunes, à des films d'épouvante strictement fantastique ou tendant vers des approches plus intimistes et psychologiques.
  • Surgissent ainsi, dans le cinéma américain des années 1940, toute une série de films (souvent d'époque) mettant en scène de jeunes femmes sous l'emprise d'un mari menaçant, dont les plus emblématiques sont Hantise de George Cukor (1944), avec Ingrid Bergman,
  • Le Château du dragon de Joseph Mankiewicz (1946).
Fantômes de Jane Eyre

La Féline (1942) de Jacques Tourneur, la peur se déploie sur un terrain fantastique et intime, lié au désir féminin. On y trouve un personnage de psychanalyste hypnotiseur, représentant quelque peu exotique de sa discipline.

Vaudou (1943), son film suivant, et Le Secret derrière la porte. L'histoire des deux films fait écho au célèbre roman Jane Eyre de Charlotte Brontë (1847), œuvre romantique également marquée par un certain héritage gothique

  • . La demeure où l'héroïne entre comme gouvernante a pour propriétaire un homme à la forte personnalité, parfois colérique et inquiétant (cousin lointain de Barbe-Bleue), et détenteur d'un secret bien caché dans l'enceinte de son domaine. Il s'agit de la femme qu'il a épousée par obligation familiale et qui, en proie à la folie, a un comportement dangereux pour son entourage. C'est évidemment cette inquiétante captive, mi-horrifique, mi-fantomatique, qui porte le plus fortement l'héritage gothique du roman. Elle réveille un motif emblématique du genre, celui de la femme emmurée que l'on retrouve notamment chez Edgar Allan Poe (La Chute de la maison Usher, Le Chat noir). On peut voir dans le personnage de Miss Robey une parenté avec cette morte-vivante.
Miss Robey. C'est elle, au fond, le véritable secret derrière la porte, emmurée dans son amour, recluse derrière son foulard. Cet accessoire, et la défiguration qu'il est censé dissimuler, la désignent comme le personnage gothique du film, quand bien même il n'y a plus rien à voir derrière ce paravent.

Lang joue avec les signes du genre, les agite puis les efface pour mieux les faire revenir (fantasmer) de manière presque subliminale. Il détourne aussi certains de ses codes puisque son héroïne, célibataire au parcours amoureux déjà bien rempli, se démarque de la figure de la jeune femme vierge, attendue dans un tel registre, pour imposer un personnage de femme moderne : en effet, Celia ne dépend pas financièrement de l'homme qu'elle a épousé, et surmonte seule sa peur pour éclaircir les zones d'ombre qui entourent non seulement son mari, mais aussi la nature même de son propre désir.
Emprise hitchcockienne

Rebecca d'Alfred Hitchcock (1940), autre cinéaste qui contribua largement lui aussi à donner une profondeur intime et sexuelle au suspense. Adapté d'un roman de Daphné du Maurier don il reprend le titre, ce thriller psychologique joue davantage que le film de Lang avec le décorum gothique, en déployant sa mise en scène dans l'architecture plus chargée d'un manoir anglais.
L'héroïne sans prénom du film, sans expérience avec les hommes, maladroite et impressionnable, est elle aussi plus typique du genre, même si une certaine ambiguïté pointe à travers sa fascination pour l'ancienne épouse de son mari, morte dans des conditions mystérieuses et dont l'esprit semble hanter la maison.
C'est davantage le personnage de la gouvernante, amoureuse de sa maîtresse, qui relie les films d'Hitchcock et de Lang. On peut voir dans Miss Robey une version plus discrète de l'hitchcockienne Miss Danvers. À des échelles différentes, l'une et l'autre sont des manipulatrices un peu prestidigitatrices, animées d'un brûlant désir de revanche qui se manifestera logiquement sous la forme d'un incendie leur faisant prendre définitivement possession des lieux.

La jeune mariée de Soupçons (1941), réalisé à la suite de Rebecca dont il rejoue en partie le scénario. Joan Fontaine y incarne à nouveau une jeune femme maladroite et coincée, mais cette fois-ci riche, comme la Celia de Lang, et suspectant son mari de vouloir la tuer pour son argent (une des pistes entrouvertes dans Le Secret derrière la porte). Dans le décor contemporain du film, l'empreinte gothique ne passe plus qu'à travers les jeux d'ombre. Une scène est restée fameuse : celle où le mari douteux (interprété par Cary Grant) monte les escaliers avec un verre de lait possiblement empoisonné destiné à sa femme.
À la lumière de ce film, on peut mesurer le désir de Lang de pousser plus loin encore les jeux de faux-semblants en faisant du mari de Celia un être réellement animé d'un désir meurtrier (et à deux doigts de le réaliser), ce qui n'est finalement pas le cas du personnage masculin de Soupçons.

Enchaînés (1946), film d'espionnage avec Ingrid Bergman et Cary Grant, influencé lui aussi, en souterrain, par des références gothiques, puisqu'il y est question d'une femme sous l'emprise d'un mari ancien nazi qui la tue à petit feu, avec la complicité de sa mère.
L'une des scènes de suspense les plus intenses du film s'organise autour d'une clé, subtilisée par la captive et son complice. Lang n'aurait pas vu Les Enchaînés au moment du tournage du Secret derrière la porte, mais les deux cinéastes témoignent à travers leurs films respectifs, proches dans le temps, d'une même attention extrême aux signes, aux détails, aux objets qui captent le regard et prennent en charge la tension dramatique et érotique.
Ce dernier film avec Joan Bennett révèle d'autant plus ce lien entre les deux cinéastes qu'il est l'une des rares œuvres de Lang à placer au centre de sa mise en scène le point de vue d'un personnage féminin et à suivre le fil de son désir. Chez Hitchcock, c'est souvent autour de cet axe féminin que s'articule le suspense.

La Maison du docteur Edwardes (1945) s'impose à ce titre comme une autre référence incontournable, aussi parce qu'il y est question frontalement de psychanalyse à travers le personnage de psychiatre interprété une nouvelle fois par Ingrid Bergman.
L'exploration de l'inconscient des personnages passe par
des images symboliques et souvent naïves, comme la surimpression de portes qui s'ouvrent lors d'un baiser, ou encore la représentation d'un rêve sous la direction artistique de Salvador Dalí.

Pas de printemps pour Marnie (1964), où cette fois-ci c'est le mari qui s'improvise psy de sa propre épouse cleptomane tourmentée par son passé.

Ce fil psychanalytique sera repris bien souvent sous la forme de thrillers sanglants et baroques ( Les Frissons de l'angoisse de Dario Argento, 1975, Pulsions de Brian De Palma, 1980), et c'est finalement dans le cinéma de David Lynch que l'on peut voir des plongées hypnotiques et théâtrales similaires dans l'inconscient des personnages, comme en témoigne par exemple la scène de spectacle en playback de Mulholland Drive (2001).