Base Arts !
Atelier d'écriture et de lecture

Association Ateliers Base Arts qui a pour vocation
de motiver les expressions artistiques.
Pour le moment des ateliers de modelage et d'écriture.
A venir un atelier dédié à la lecture, et plus pour qui veut se proposer !
Rue Bernard Lauret
Millau


Ce devait être au mois de juin : il faisait déjà très beau, avant toutefois que s'installe la canicule de l'été.
Tes habits de ce jour-là disaient cette venue de la belle saison. Je me souviens : c’était une robe en jean bleu-clair agrémentée de trois broderies de petits animaux, un chaton, un poussin, un moineau. Et le petit chemisier blanc pailleté de minuscules fleurs roses rehaussait le bleu soutenu de la robe. Tes chaussures aussi étaient d'été, à lanières multicolores mais à semelle à contour de laçage d'un bleu voisin de celui de ta robe.

Et assurément aussi ce devait être un samedi, jour où je venais te prendre pour que nous passions une journée ensemble.
Je t'avais emmenée en garrigue, comme souvent. Tu pourrais désormais me le dire toi-même, mais je crois que tu aimais bien ces marches au hasard sur des entiers un peu sauvages qui devaient suffire à nourrir de mystères indéfinis ces escapades si différentes des habitudes et du quotidien de ta vie citadine.



C'était sur cette petite route qui, partant d'Uzès, rejoint la vieille Nationale86, celle qui s'en va vers Pont Saint Esprit et la vallée du Rhône. C’était du côté du carrefour de Valliguière sur ces plateaux de Garrigue redevenue ici un peu boisée et qui présentait ce jour-là des nuances de vent qu'avait fait éclore un printemps mouillé. Seuls les petites kermès gardaient leur gris monotone, mais les chênes verts, les buis et même les pins avaient des poussées de vert tendre surprenantes parce-qu'inhabituelles dans ce pays.

Nous marchions ainsi ; moi le nez plutôt en l'air à regarder l'horizon, vers cette silhouette du Ventoux, cette étrange montagne, toute seule au loin, ce promontoire élevé dans le ciel, là-bas, et couronné de cette crête de pierraille dénudée que même en été on croit être des neiges permanentes. Toi et tes petites jambes de trois ans, le nez plutôt dans l'herbe à courir vers ces petites fleurs aux couleurs vives et à me demander à chaque instant, la main tendue vers l'une d'elle : « …qu'est-ce que c'est, papa, ... ».

Nous marchions ainsi … A quel moment te lâchant la main que tu voulais libre pour courir vers ces tiges étincelantes de lumière, à quel moment t'ai-je laissée marcher vers où tu voulais aller et moi me suis-je laisser captiver par cette montagne, traçant là-bas sur l'horizon d'azur ce dessin violet, géométrique, pur, fascinant ?

A quel moment me-suis je rendu compte que je ne sentais plus ta main et que tu n'éatias plus là sur ce monticule où je te croyais encore ?

Hélène … Mais tu n'étais plus là et ne répondait pas.
Hélène … Mais rien.

Et il y avait deux ou trois autres bosses de terrain toutes semblables derrière lesquelles tu aurais tout aussi bien être.

Hélène … Toujours rien.

Avais-je donc aussi longtemps marché seul, sans ta main, pour ne plus reconnaître vers lequel, de ces dos de colline me diriger pour te retrouver ?

Hélène … Rien.

L'angoisse monte très vite … Est-elle propre à perturber la perception et les couleurs du monde ? Je sais seulement qu'alors le ciel s'est fait incolore et que la garrigue est devenue grise, que le paysage s'est soudain transformé en une steppe uniforme est sans âme, un univers clos, une solitude sans issue, enveloppe sinistre d'une angoisse grise ou sans couleur.

Hélène … Ma fille …

Et puis, là-bas, pas si loin, parce-qu'il y a un léger courant d'air, une mèche, rendue blonde par l'éclat du soleil, flotte à peine derrière la crête de cette courbe calcaire éclaboussée de lumière.

Hélène …

Tu ne me réponds toujours pas, mais de me précipiter me fait apercevoir ta chevelure qui doucement ondule plus par le léger souffle de l'air que par le mouvement de ta marche qui, elle, est plutôt lente et tranquille, accaparée par ta cueillette de brins d'herbe colorés garnissant déjà ta petite main un peu maladroite.

Tu es là captivée et ravie par la garrigue multicolore de ce jour-là. Tu ne te sentais pas perdue, toi. Alors, je ne dis rien, sauf une fois encore et comme dans une bouffée d'apaisement inespéré, ton prénom : Hélène …

Et pour moi aussi, subitement, les couleurs se ravivent, le bleu de ta robe vient me rappeler au cœur de tous ces verts de la garrigue, que le ciel aussi d'un azur limpide, et le bouquet de brindilles sauvages que me tend naïvement ta joie d'enfant me dit que le printemps est radieux cette année et la garrigue décidément fleurie !

Jamais sans doute autant que cette fois, sur le chemin de retour à la maison, je n'ai goûté le délice d'ombres et de lumières, de reflets d'argent et d'or que fait aux yeux et en cadence, le défilement des platanes accompagnant la route tout au long.

Jean-Claude

L’ombre se pose, l’ombre se montre,
L’ombre morose , l’ombre sombre
Forme longue, étirée , immense..
Gauche ,droite , gauche, droite
Petite, moyenne, moyenne ,grande.



Prairie, chant de fleurs semées, posées. Jaune poussin , bleu ciel, rose coucher de soleil. Note rouge « adonis goutte de sang »le vent les mêle, les reteinte. Le bleu glisse violet. L’herbe ondule, houle portée, verte écume de cheveux d’ange. Ourlet mordoré cousu de grenat, or, argent, rubis : coule rivière vers la mer. Claque la vague iodée, parfumée de thym, chèvrefeuille, petit genêt et serpolet…Je caresse du regard, J’étends ma main, paume/palette.


Monique


Tableau Jardin aux tournesols - Gustav Klimt - 1907
C'était un jour gris




C'était un jour gris, ces jours dont on ne peut dire si les nuages sont blancs, crèmes, noirs, gris de fer ou de plomb, c'était un ciel équivoque, fougueux et à l'arrêt, c'était un jour contradictoire, allait-il pleuvoir des gouttes de pluie si fines et transparentes que nous pourrions voir le reflet du ciel mouvant et dormant à la fois, je ne sais pas, ou serait-ce un abattement de flots, un déluge de giboulées qui remplirait les trottoirs, ni noirs ni blancs, ni bruns ni bistres, je regarde les éclaboussures qui crépitent sur nos chaussures sombres, le vent qui gifle nos manteaux, cingle nos joues, je marche vite, ou serait-ce juste un ciel bas, une masse sombre comme une muraille entre nous et la terre, silencieuse et morne, perdue dans l'ennui de l'immobilité,

c'était un jour confus et indécis, je marchais vite, un train, une gare, la gare de Lyon, le quai, dans mes pas, le trac,

je me trouvais à la frontière de toutes les teintes, allais-je basculer dans la peur du loup gris ou m'abandonner à l'éclat d'une aurore pas encore dorée, j'attends, au loin une ligne de wagons d'acier clair et usé dont je ne vois pas la fin, devant moi la voiture 12, autour de moi, des gens gris, falots, blafards, ardents, lumineux, beaux, des mots, "tu m’appelleras, hein ?", "fais bien attention", "tu n'oublieras de lui dire", "reviens-moi vite", des valises qui grincent, qui roulent, qu'on traîne, qu'on porte, à bout de bras, sur le dos, noires, beiges, écrues, bleu marine, bleu clair, vert foncé, vert bouteille, argentée, je te cherche, seras-tu déjà ensoleillé, comme le sable doré des plages d'Agde, ou seras-tu hésitant et indécis comme le ressac indiscipliné, je ne te vois pas, l'heure du départ approche, j'attends, ne serait-ce le bon jour, jour de la promesse du gris cendré qui virerait sur un jaune vanille, saurai-je te reconnaître, serait-ce que je ne t'ai pas vu, que tu ne m'aies pas vue, j'attends, de quelle couleur suis-je, noire comme l'encre ou grise comme l'ardoise, de quelle couleur serait le sentiment d'inquiétude et d'appréhension, blé et fauve, j'attends, l'annonce imminente du départ par une voix déformée dans les hauts parleurs, des années dont nous n'avons partagé que quelques heures, des années que nous ne sommes pas regardés dans les yeux, serait-ce impossible, serait-ce impossible que de panacher nos deux couleurs, dois-je monter dans ce wagon, dois-je t'attendre, je ne t'ai pas vu, serait-ce que le gris du jour embrouille mes pensées, pourquoi ne serais-tu pas là, les portes des voitures se ferment dans la même cadence, je ne suis pas monté, je suis seule sur le quai, infiniment triste, qu'ai-je raté, un train, un père, je pleure, une statue de plâtre blanche qui se désagrège aux coulées de mes larmes, la voiture 11 s'annonce dans un carré lumineux, des chiffres numériques entre jaunâtres et verdâtres, et soudain, je te vois, tu me vois, nous nous voyons, tu es derrière une vitre qui s'en va déjà, je suis debout sur le quai, ton image défile comme le film que nous aurions pu vivre.


Joëlle

Peindre avec des mots


Je prends toile, pinceaux, tubes d’aquarelle et m’installe confortablement dans mon siège habituel, devant ce paysage que je suis venu voir, revoir à plusieurs reprises : un village posé dans un écrin rocheux, situé en haut d’une montagne verdoyante, silencieuse… un ravissement pour mes yeux, ambiance douce, apaisante, lumière féérique du matin.
D’abord, j’ observe attentivement le site, écoute la nature qui me chuchote à l’oreille, imagine un cadrage mettant en valeur la nature aux couleurs tendres : au loin les masses - maisons église et son clocher-, j’observe les lumières, les ombres, ombres portées, le flou de l’arrière plan, les motifs à retenir pour le premier plan du tableau…Cette analyse se fait avec lenteur, je m’’imprègne du motif, puis commence le croquis, étape nécessaire.
Mais comment peindre le bruissement incessant des feuilles de peuplier, agitées au moindre souffle de vent, feuilles aux tons chatoyants de verts tachées d’or, trouées du bleu du ciel, comment peindre les silences jouant avec le concert de musique si particulier des oiseaux, comment peindre le jour et sa douceur, peindre le bonheur, …saisir l’invisible…je sens les difficultés pointer le bout de leur nez en même temps qu’une fébrilité s’empare de moi …enfin l’état de grâce du peintre arrive !
Je pince ma toile, je prépare mes couleurs sur la palette : un jus de bleu de Cendre, mélangé au bleu Outremer, une pointe d’Alizarine et j’applique avec la brosse à lavis un ciel tout en nuance, légèrement nuageux. La concentration est là, un chant d’amour est au bout du pinceau…je rajoute un peu de terre d’ombre brulée, jaune de Naples puis applique les volumes du village, en prenant soin de laisser beaucoup de blanc du papier pour donner les lumières qui pourront être atténuées par la suite, je place les valeurs, donne une unité entre le ciel et le reste de la composition …je m’imprègne petit à petit de l’œuvre en cours de création, vu selon la formule, avec un œil artistique.
Bien, cela prend forme. Il me reste à peindre le premier plan du tableau. Sur la prairie à peine colorée là, je parsème des pâquerettes par quelques touches légères aux tons chauds atténués. j’arrive en bordure, je pose quelques herbes sauvages,( région humide) touffes de graminées par ci, par là, fragiles pétales de roses sauvages, ombelles gracieuses. Ces dernières touches, dessinées, à peine colorées, vont me servir à diriger le regard vers le point focal -le clocher- en fin de travail.
Est-ce bien fini ? Le doute s’installe… La beauté de l’été est bien là, avec les parfums qui embaument l’atmosphère…
Je décide de ranger. Demain, je regarderai mon tableau avec un regard nouveau… et retoucherai… éventuellement.
Micheline

Un autre regard

C’est une maison. Non, c’est une façade ; une façade de maison. En réalité, c’est un tableau. Tableau est un bien grand mot. C’est une photo ; un simple poster encadré qui représente une façade de maison.


Une marie louise entoure la photo. Elle est vert pâle, vert lichen, vert insipide sans intérêt.


Les couleurs de la façade sont délavées ; beige sépia terreux, gris souris sale.


Les fenêtres sont 2 trous béants noirs et profonds. La porte n’est pas sur la photo.


Ce n’est qu’une partie de façade.


Mais c’est bien plus qu’une façade.


C’est un visage.


Les fenêtres, ce sont les yeux ourlés de cils noirs et soyeux, qui avec des sourcils bien tracés donnent vie à ces trous béants.


Deux fissures sur la façade descendent entre les deux yeux. C’est le nez de couleur poussière. Il surplombe de sa pâleur l’apothéose du tableau. Une bouche rouge vermeil qui fait vibrer cette façade d’un éclat chaud et lumineux.


Dans ce monde tout en surface, fasciné par les apparences, ce poster est un trompe l’œil qui rétablit la vérité d’une vision avec le cœur.

Maryvonne

Photo de Cuchi White
Immeuble de squatters, Lungotevere, Roma, Italie, 1978-80
À Nos Pinceaux Propositions