Base Arts !
Atelier d'écriture et de lecture

Association Ateliers Base Arts qui a pour vocation
de motiver les expressions artistiques.
Pour le moment des ateliers de modelage et d'écriture.
A venir un atelier dédié à la lecture, et plus pour qui veut se proposer !
Rue Bernard Lauret
Millau

Citation de Khalil Gibran proposée par Micheline

"Les arbres sont des poèmes que la terre écrit sur le ciel".

Colette, Les Vrilles de la vigne (1908)
Dans ce recueil, Colette, qui n’a à cette époque publié que deux ouvrages, expose des thèmes qu’elle développera par la suite : l’évocation de sa mère, la célébration de la nature, l’affirmation de la femme et de ses désirs, le monde du music-hall.
Autour de Colette : Les amis de Colette

Le dernier feu
À la fin de l’hiver, au coin du feu, Colette regarde son jardin et revoit les violettes de son enfance. Elle s’adresse à un ami.

Et les violettes elles-mêmes, écloses par magie dans l’herbe, cette nuit, les reconnais-tu ? Tu te penches, et comme moi tu t’étonnes ; ne sont-elles pas, ce printemps-ci, plus bleues ? Non, non, tu te trompes, l’an dernier je les ai vues moins obscures, d’un mauve azuré, ne te souviens-tu pas ?… Tu protestes, tu hoches la tête avec ton rire grave, le vert de l’herbe neuve décolore l’eau mordorée de ton regard… Plus mauves… non, plus bleues… Cesse cette taquinerie ! Porte plutôt à tes narines le parfum invariable de ces violettes changeantes et regarde, en respirant le philtre qui abolit les années, regarde comme moi ressusciter et grandir devant toi les printemps de ton enfance…
Plus mauves… non, plus bleues… Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons embrume d’un vert insaisissable, – des ruisseaux froids, des sources perdues, bues par le sable aussitôt que nées, des primevères de Pâques, des jeannettes jaunes au cœur safrané, et des violettes, des violettes, des violettes… Je revois une enfant silencieuse que le printemps enchantait déjà d’un bonheur sauvage, d’une triste et mystérieuse joie… Une enfant prisonnière, le jour, dans une école, et qui échangeait des jouets, des images, contre les premiers bouquets de violettes des bois, noués d’un fil de coton rouge, rapportés par les petites bergères des fermes environnantes…

Colette, « Le Dernier Feu », Les Vrilles de la vigne [1908], Librairie Arthème Fayard, 2008, 2009

Le lyrisme se définit par la présence d’un « je » qui évoque, de manière personnelle, des émotions et des sentiments universels. Des procédés poétiques (images, sonorités et rythmes) sont souvent exploités.



Extrait 2
Jour gris
J’appartiens à un pays que j’ai quitté. Tu ne peux empêcher qu’à cette heure s’y épanouisse au soleil toute une chevelure embaumée de forêts. Rien ne peut empêcher qu’à cette heure l’herbe profonde y noie le pied des arbres, d’un vert délicieux et apaisant dont mon âme a soif…

Viens, toi qui l’ignores, viens que je te dise tout bas : le parfum des bois de mon pays égale la fraise et la rose ! Tu jurerais, quand les taillis de ronces y sont en fleurs qu’un fruit mûrit on ne sait où – là-bas, ici, tout près – un fruit insaisissable qu’on aspire en ouvrant les narines. Tu jurerais, quand l’automne pénètre et meurtrit les feuillages tombés, qu’une pomme trop mûre vient de choir, et tu la cherches et tu la flaires, ici, là-bas, tout près…

Et si tu passais, en juin, entre les prairies fauchées, à l’heure où la lune ruisselle sur les meules rondes qui sont les dunes de mon pays, tu sentirais, à leur parfum, s’ouvrir ton cœur. Tu fermerais les yeux, avec cette fierté grave dont tu voiles ta volupté, et tu laisserais tomber ta tête, avec un muet soupir…

Et si tu arrivais, un jour d’été, dans mon pays, au fond d’un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, si tu regardais bleuir, au lointain, une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m’oublierais, et tu t’assoirais là, pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie.

Les vrilles de la vigne/ Colette
Les vrilles de la vigne
Un livre arlequin, de genres différents, d'énonciation distinctes, temporalités diverses, de la poésie en prose, chroniques de mœurs, scènes théâtrales, récit souvenirs.
Style maniéré, lyrique : un certain maniérisme que Colette a appelé "arabesque de cabochon". Par exemple :

  • Le brouillard : tantôt nuage ou femme endormie tantôt serpent langoureux
  • Apostrophe à tout ce qui vit et même aux objets :
    • "Ô violettes de mon enfance ! Ô notre lit reçois-nous ce soir ! Ô derniers feux de l'année !"
  • Une syntaxe élaborée ; phrases plutôt courtes et dynamiques, et des phrases "charnues"
  • Respect du sociolecte, du niveau de langue des personnages dans les dialogues
  • Vocabulaire précis, elle nomme les "choses" par leur nom :
    • "l'ombrelle du panais sauvage", "les bâtons de Saint jacques", "le coqueret alkékenge"
L'écriture de la sensation
Elle veut restituer la finesse et la subtilité des perceptions, restituer la complexité du monde sensible, et elle va développer l'imaginaire visuel, solliciter l'oreille.
On trouve dans les deux œuvres, une profusion d'images extraordinaires où tout le vivant "se vaut" : où des animaux ressemblent à des végétaux, et inversement, des animaux qui se confondent entre-eux, des humains qui ressemblent à des animaux :
  • une plante grasse poilue et trapue comme des crabes
  • des coquillages qui sont des fleurs impérissables effeuillés en pétales de nacre rose
Des descriptions visuelles extrêmement précise de façon presque tangible :
  • des nuages ardoisés, ourlés de mercure, liserés de cuivres
  • la neige, une boule de cristal
  • la vague plombée

Retranscription de la pensée :
  • "Je resserre en vain les lambeaux de ma pensée, elle m'échappe palpitante, comme un manteau arraché, comme une mouette dont on tient les pattes t qui se délivre en claquant des ailes".
  • Évoquant sa mère, Sido : "Le sens critique en elle se dressait vigoureux, versatile, chaud et gai comme un jeune lézard".
Harmonies imitatives, suggestives
pour restituer les sons par des images, par des assonances, des allitérations, utilisation de la plasticité du mot :
  • "le chant bondissant des frelons fourré de velours"
  • le plic ploc de la pluie : "de l'horizon venait un bruit égal de perles versées dans l'eau et la plate odeur de l'étang criblé de pluie""
La synesthésie
Figure qui télescope, associe, deux sensations, un goût peut être représenté par une couleur ou l'inverse :
"un violon vinaigré"
"goûter un vert acide ou délicieux"
"rouge comme l’âpreté des groseilles"
"le parfum châtain clair de Sido "

Les figures du paradoxe : opposition, oxymores, antithèses, les paradoxismes, tout est ambivalent et ambigu :
pour évoquer son enfance: "une triste allégresse"
pour évoquer sa sœur : "l'agréable laide"


Le style par Colette :
"La réussite est moins affaire de pensées que de rencontres de mots, signes errant dans l'air, parfois les mots appelés, daignent descendre, s'assemblent, se fixent, ainsi, semble se former le petit miracle, que je nomme l’œuf d'or, la bulle, la fleur, une phrase digne de ce qu'elle a voulu décrire".


Le style par Colette :
"La réussite est moins affaire de pensées que de rencontres de mots, signes errant dans l'air, parfois les mots appelés, daignent descendre, s'assemblent, se fixent, ainsi, semble se former le petit miracle, que je nomme l’œuf d'or, la bulle, la fleur, une phrase digne de ce qu'elle a voulu décrire".


Nos textes

Vol d'oiseau
Dans la brume sombre, elles se chamaillent, leurs cris annoncent une guerre
noire, sans pitié, une colère de famine.
Pourtant leurs ailes de velours foncé, irisées, accrochent par des volutes
périlleuses les regards fatigués des pécheurs.
Par des piqués de danseuse d'une sublime beauté, elles vont attraper les
sardines écorchées, délaissées dans les filets trainés par le chalutier. Micheline

Désert
Viens avec moi. Franchis cette dune. Puis, une fois le sommet atteint, laisse-toi glisser le long de son flanc. Ensuite recommence ; encore et encore. Te sens tu devenir petite, toute petite dans cet infini de creux et de bosses ? Comprends-tu ton inconsistance dans ce monde souvent prétentieux ?
Continue ce parcours. Monte, descends, monte, descends. N’est-ce pas grisant ? Tes sens anesthésiés par l’agitation des hommes se réveillent tout doucement. Imprègne-toi de cette harmonie, de ce silence, de cette lumière, de ce parfum de soleil et de sable. Enivre-toi… Et face à cette immensité profonde et sensuelle, n’oublie pas de rester humble. Maryvonne


Mon cahier d'écriture
J'aime mon cahier d'écriture même lorsqu'il est hostile et qu'il se dérobe comme un parfum fugace et rayé, même lorsqu'il se revêt d'une cape bouillonnante de jurons, et surtout lorsque s'échappent des rondes turbulentes de paroles, mon cahier d'écriture c'est une valse à 8 temps ! Joëlle

Le Vol des Chauve-souris
La tombée du jour ou la montée de la nuit, une heure incertaine qui garde à peine les dernières lueurs d'un couchant et commence à prendre les nuances sombres de la nuit : c'est à ce moment là que l'air se déchire du froissement répété du vol des chauves-souris. En cadence, vers la droite, vers la gauche, au rythme d'un vigoureux frottement de cymbale, elles passent et repassent, tournoient puis s'en vont. Alors le calme retrouvé de l'air laisse l'esprit laisse rêver d'une d'un flûte accompagnant cet envol vers la nuit, mais qui comme une suite symphonique annoncerait aussi le renouveau de ce vol pour un éternel ballet de soir d'été. Jean-Claude

Proposition
A la manière de Colette - Jour gris

Nous allons écrire un texte d'une vingtaine de phrases maximum, sur nos sensations physiques (ouïe, goût, toucher, odorat, vue) en lien avec un souvenir de l'enfance, de l'adolescence, réel ou imaginaire, quand seul/e ou avec d'autres personnes, nous nous échappons de la routine et découvrons ce qui nous entoure, presque par hasard, au détour d'une feuille qui vole, d'un croassement, d'un parfum de fleur, quand nous nous ouvrons à d'autres sensations, de nouvelles émotions, à l'intérieur de la maison, à l'extérieur, pendant un trajet en transport public, pendant des activités de groupes, .... Le but de cette écriture est de créer de la sensation, de l'émotion en utilisant des formes sensorielles.

  • Écrire à la première personne
  • Vous vous adressez à une autre personne en l'apostrophant à la deuxième personne "tu", en l’invitant à découvrir avec vous ce souvenir (comme dans Jour gris)
    • vous pouvez reprendre la phrase de Colette en amorce : "Viens, toi qui l’ignores, viens que je te dise tout bas ..."
  • Plutôt au présent
  • De la description
  • Possible d'ajouter deux trois répliques d'un dialogue rapporté du souvenir



Une mise en bouche :

  • Décrire un vol d'oiseau
  • Décrire une chambre d'enfant
  • Décrire son cahier d'écriture

A la manière de Colette, votre description comprendra des images sensorielles, par des couleurs, des touches sonores (bruit, instruments de musique, ..., d'odorat ou de goût (parfums, saveur, ..), de toucher (vêtements, tissus, ..), à vous de choisir. Des descriptions inattendues qui font ressentir une autre manière de voir, de regarder.